Le Suivi, 25 (5) p.41


Auteur: Morettini J., De Gagné R.


Article de Richard DeGagné, Ph.D. et Jocelyn Morettini, M.Ps.

« Un esprit sain dans un corps sain ».

Cette expression bien connue exprime l’importance de l’équilibre « corps-esprit » sous-jacent à une bonne santé globale. La recherche en psychologie médicale a révélé la nécessité de considérer ce lien dans le processus de guérison. L’omission de considérer la dimension psychologique dans ce processus peut réduire l’efficacité du traitement médical tenté.

S’il existe un secteur de la médecine où la considération de cette harmonie « corps-esprit » est particulièrement importante, c’est celui du traitement de la douleur chronique. La douleur est définie comme : "une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable, associée à un dommage tissulaire présent ou potentiel, ou décrite en terme d'un tel dommage (Association internationale pour l’étude de la douleur, 1979) ». L’expérience douloureuse est définie dans sa dimension physique (expérience sensorielle) et psychologique (expérience émotionnelle) ce qui implique que les deux dimensions doivent être traitées pour rétablir la santé (réduction satisfaisante de la douleur et amélioration de la qualité de vie). La littérature scientifique révèle que l’efficacité d’un traitement centré uniquement sur la dimension physiologique est significativement réduite comparativement à un traitement global qui s’adressera également à la dimension psychologique.

La douleur peut être conceptualisée en deux parties : 1- la présence de la douleur et; 2- l’intensité de la douleur. L’apport de la psychologie est de s’intéresser aux différents facteurs psychologiques qui modulent l’intensité de la douleur.

Plusieurs études scientifiques en psychologie de la douleur révèlent que la relation entre la sévérité de la blessure et l’intensité de la douleur est plutôt faible. Pour illustrer cette relation, il est connu par exemple, que, lors d’un accident de quelque nature, une personne pourtant gravement blessée n’ait rapporté aucune douleur. Cette personne était alors en mode de « survie » et dans ce mode, la perception de la douleur est bloquée momentanément pour permettre une action rapide qui vise à se sortir rapidement de la situation dangereuse. Arrivée à l’urgence de l’hôpital, cette même personne rapportera une douleur importante. L’état de « survie » est atténué par le sentiment de sécurité associé à la prise en charge médicale. La perception de la douleur est alors débloquée. Dans cet exemple, on remarque que l’état psychologique de « survie » était prioritaire à la sensation douloureuse. À l’inverse, on se souvient tous de la douleur intense provoquée par une petite coupure au doigt par une feuille de papier. Il est normal de ressentir cette douleur puisque nous sommes rarement en mode de « survie » pour une si petite coupure. Ce petit exemple démontre bien que l’intensité de la douleur n’est pas directement associée à la gravité de la blessure. Elle est donc modulée par d’autres facteurs.

Pour bien comprendre la modulation de la douleur, il faut d’abord savoir que la douleur se résume à un signal électrophysiologique qui se propage par le système nerveux. Ce signal, amorcé par la lésion physique, est acheminé vers le cerveau où il est perçu et interprété Ce signal est acheminé entre autres, par les structures cérébrales qui sont impliquées dans les processus cognitifs (relatifs à la pensée) et émotifs. Ces structures vont donc contribuer à amplifier ou à réduire la douleur ressentie.Les grands responsables de la modulation de la douleur sont entre autres, les facteurs psychologiques négatifs comme les émotions négatives (colère, déprime, anxiété, peur de bouger ou kinésiophobie, stress, etc.) et les croyances erronées (pensée catastrophique associée à la douleur, mésinterprétation de la douleur, perception de l’incapacité associée à la douleur, influence des expériences passées, etc.). Outre ces divers facteurs qui vont contribuer à moduler la douleur, la douleur elle-même peut provoquer des réactions émotives diverses. En fait, la douleur chronique est généralement accompagnée de plusieurs effets psychologiques néfastes. On note que 50 % des patients auront des pensées suicidaires et que 30 à 80 % développeront une dépression. Ces patients devront vivre avec une augmentation de l’irritabilité, de l’anxiété, des problèmes de sommeil, des problèmes de santé secondaire, des difficultés cognitives, des handicaps, des deuils de certaines activités, des perturbations des relations interpersonnelles et des difficultés familiales pour ne nommer que ces problèmes.

Dans un tel contexte, il est plus facile de comprendre l’importance de la psychologie dans le traitement de la douleur et des conséquences de celle-ci. Le psychologue spécialisé en psychologie médicale et en douleur chronique s’intéresse à l’interaction entre les aspects psychologiques et le fonctionnement physiologique. Grâce à son expertise, il intervient sur l’ensemble des facteurs psychologiques (cognitifs et affectifs) qui sont impliqués dans la modulation de la douleur. Par ces interventions ciblées, il permet à la personne souffrant d’une douleur chronique de s’adapter à ses nouvelles conditions de vie ce qui aura pour effet d’améliorer sa qualité de vie globale malgré la présence de la douleur et des limites fonctionnelles. [...] Ces interventions se font par l’intermédiaire de plusieurs approches comme un groupe d’information sur la douleur, un groupe d’information sur les perturbations du sommeil, [...], de l’hypnose et l’entraînement à la relaxation musculaire sans oublier les rencontres thérapeutiques individuelles qui s’adressent particulièrement aux conditions affectives et cognitives associées à la modulation de la douleur. [...]